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Biocarburants, comprendre les mécanismes de dégradation de la lignine chez les termites

Michael Scharf

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La production de biocarburants se décompose en plusieurs étapes successives dont la première et la plus complexe réside dans la dégradation des parois cellulaires de la biomasse utilisée. Ces parois cellulaires végétales (de la caméline ou du panic érigé par exemple) sont composées majoritairement de cellulose et de lignine, qui représentent près de 70% de la biomasse totale présente sur terre. Dans l’objectif d’améliorer la production de biocarburant en optimisant la dégradation de la biomasse, une équipe de chercheurs de l’université de Purdue, basée dans l’Indiana, en collaboration avec des chercheurs de l’université de Floride, ont mené une étude pour comprendre les mécanismes de dégradation des matériaux boisés – et par conséquent les complexes lignocellulosiques – par les termites et identifier les gènes impliqués dans cette dégradation.

De l’ordre des isoptères, les termites sont des insectes sociaux, vivant au sein de colonies hiérarchisées, qui comptent environ 281 genres et 2 600 espèces. Certains termites, les termites supérieurs, sont capables de dégrader directement la cellulose grâce à des enzymes de type cellulases produites à l’intérieur de leur tube digestif. D’autres termites, les termites inférieurs, ne peuvent pas dégrader la cellulose par eux-mêmes. Ils sont les hôtes d’une grande variété de micro-organismes : une communauté bactérienne – 4500 espèces différentes de bactéries appartenant à 10 genres différents – ainsi que des protozoaires flagellés, les Oxymonadidas – également appelés symbiotes – qui sont logés dans la panse rectale de l’insecte et permettent la transformation de la cellulose, au travers de la production de cellulases.

L’idée de Michael Scharf, professeur au département d’entomologie de l’université de Purdue, est d’utiliser le potentiel enzymatique de ces micro-organismes en vue d’améliorer la digestion des composés du bois – cellulose et lignine. La lignine – réseau tridimensionnel hydrophobe – est le composé le plus complexe à dégrader du fait du réseau qu’elle forme avec les hémicelluloses et dans lequel sont intégrées les microfibrilles cellulosiques (groupements hydroxyles périphériques).

La compréhension de ces mécanismes de dégradation permettrait d’optimiser la production des biocarburants, et par ailleurs d’apporter une solution dans le contrôle de l’action négative des termites au niveau des matériaux boisés des habitations. Selon le Département américain de l’Agriculture (USDA), les termites représentent un coût annuel de gestion et de réparation des dommages de près de 2 milliards de dollars.

La majorité des études déjà réalisées sur le mécanisme de dégradation du bois par les termites [1,2], et plus particulièrement, la relation entre l’insecte et les micro-organismes présents dans son intestin, ont montré que ces micro-organismes n’avaient apparemment que peu ou pas d’influence sur la digestion des composés du bois. Cette dégradation serait due uniquement à l’hôte, c’est-à-dire les termites, et à ses propres enzymes. L’objectif de l’équipe de Michael Scharf était donc d’étudier l’influence du régime alimentaire des termites de l’espèce Reticulitermes flavipes sur les micro-organismes. Cette étude a été financée par la Fondation Nationale des Sciences (National Science Foundation), l’Association de Biotechnologie des Plantes (Consortium for Plant Biotechnology Inc.) et le Département américain de l’Energie (U.S. Department of Energy), et publiée dans la revue Molecular Ecology en février dernier. L’hypothèse annoncée par l’équipe relevait de l’approche suivante : si les micro-organismes jouent un rôle dans la digestion des matériaux boisés, alors la nature des matériaux dont l’insecte se nourrit devrait influer sur la composition des différentes espèces microbiennes hébergées dans l’intestin des termites.

Les termites ont été nourris pendant une période de 7 jours avec soit un régime alimentaire uniquement à base de bois (complexe lignocellulosique), soit un régime alimentaire uniquement à base de papier (pure cellulose). Les résultats ont montré que l’écologie microbienne n’était pas affectée par le régime alimentaire. Néanmoins, des changements dans l’expression de certains gènes des termites et des protozoaires ont été constatés en fonction du régime alimentaire – au total, 500 gènes s’exprimaient différemment sur les 10.000 étudiés. Les résultats des variations d’expression des gènes se traduisent par une augmentation de la quantité d’enzymes produite par l’hôte et le symbiote – telles que les aldo-keto reductase, l’arginine kynase ou le glycérol 3 phosphate dehydrase – lors d’un régime alimentaire riche en matériaux boisés et en lignine. Les aldo-keto reductase (AKR) pourraient, selon l’étude de G. Ford et E.M. Ellis menée en 2001, être des enzymes détoxifiantes impliquées dans le métabolisme des composés phénoliques que l’on retrouve dans la lignine [3]. Les AKR produiraient, selon l’étude de M. Scharf, des lignocellulases entrant dans le processus de dégradation de la biomasse. D’autres enzymes seraient impliquées dans ce processus, telles que les catalases (CAT) et les lactases (LAC), et amélioreraient le processus de saccharification de la lignocellulose par les cellulases produites par l’hôte et les symbiotes.

Ce sont donc les gènes de l’hôte et des symbiotes qui produiraient les enzymes mobilisées pour la dégradation de la biomasse : lignases, enzymes détoxifiantes et/ou anti-oxydantes, cellulases et hémicellulases. La connaissance des gènes impliqués dans cette dégradation pourrait permettre de déterminer les enzymes qui ciblent la lignocellulose, et serait un élément essentiel dans la dégradation de la biomasse et de l’extraction des sucres lors du procédé de fabrication des biocarburants.

Notes (en anglais) :

Origine : BE Etats-Unis numéro 326 (2/04/2013) –  ADIT – www.bulletins-electroniques.com